Maintenir les filles à l'école : pourquoi est-ce aussi important ?
23 décembre 2022
Toutes les filles à l’école. Mettez-les à l’école. Des filles instruites, c’est l’assurance d’une belle nation ». Comment oublier le refrain de cette chanson chantée par Zeynab pour contribuer à une vaste campagne de scolarisation des filles béninoises ? Environ une dizaine d’années plus tard, on peut dire que côté scolarisation des filles, le pari a été réussi. En ce qui concerne leur maintien par contre… Il y a encore du chemin. Je me suis donnée pour devoir d’expliquer selon mon niveau de connaissance et de compréhension, pourquoi il est important de maintenir les filles à l’école.
Maintenir les filles à l’école, qu’est-ce que cela implique ?
Bienvenue au Bénin, petit pays de l’Afrique de l’Ouest situé entre le Nigéria et le Togo. Oups, je me perds. Nous parlions maintien des filles à l’école.
Scolarisation des filles, état des lieux
Au Bénin, le taux de scolarisation des filles est plutôt élevé si l’on doit s’en tenir à dix, quinze, vingt ans plus tôt. Et par scolarisation, je parle évidemment d’inscription des filles à l’école. Doit-on applaudir pour ce fait ? Oui, en principe. Mais malheureusement, sur le long de la machine de l’instruction scolaire, il y a un mécanisme qui semble en panne. Un mécanisme qui voit le nombre de filles, au fur et à mesure que les classes évoluent, chuter.
Si l’on doit se référer aux chiffres, entre 2015 et 2020, le TBA (Taux Brut d’Admission) au CI a connu une baisse : 1,33 % contre 5,76 % pour les filles. Le taux d’achèvement est passé dans la même période de 79, 2 % à 54, 8 % avec 76, 2% contre 51, 89 % pour les filles. Ce que ces chiffres indiquent clairement, c’est que malgré les avancées en termes de scolarisation des filles, la régression de la scolarisation en général, les touche plus. Ces chiffres s’accentuent au fur et à mesure que le cursus scolaire évolue. C’est-à-dire que l’écart se creuse de plus en plus dans l’enseignement secondaire et universitaire, créant des disparités scolaires entre filles et garçons.
En termes de faits, on peut noter un fort taux de décrochage scolaire des filles, un faible taux d’inscription des filles dans les filières STIM (Sciences, Techniques, Industriels et Métiers), et une faible présence des filles à l’Université. Sans oublier évidemment un fort taux hors du système éducatif et sans emploi.
Maintenir les filles à l’école, les implications
Maintenir les filles à l’école implique de s’assurer qu’elles finissent le primaire, le secondaire et aient accès à l’université. Cela implique qu’elles aient un niveau d’instruction équivalent au baccalauréat minimum, afin de leur ouvrir des perspectives. Cela implique surtout des efforts joints entre État et peuple, pour contribuer à ce que les filles aient non seulement accès à l’école, mais qu’elles puissent évoluer normalement dans leur cursus scolaire.
Quels sont les obstacles qui empêchent le maintien des filles à l’école ?
Après leur scolarisation, il y a un certain nombre d’obstacles qui empêchent beaucoup de filles de terminer leur cursus scolaire. Ces facteurs rendent difficiles leur maintien à l’école.
Grossesses et mariages précoces
Les filles béninoises courent après un certain âge (12 ans en moyenne) le risque de contracter une grossesse précoce et/ou d’être mariées trop tôt.
Dans le cas d’une grossesse précoce, il est souvent difficile pour une fille de cumuler son nouveau rôle de mère et celui d’élève. Elle se voit responsabilisée, et souvent va devoir vivre chez le géniteur. Dans le cas d’un mariage précoce, elles sont souvent retirées des classes pour accomplir complètement leurs devoirs d’épouses.
Rôles de genre
Les rôles de genre au Bénin ont la peau dure – comme dans le monde entier. Il n’y pas si longtemps, des campagnes étaient organisées pour que les filles soient scolarisées. Aller à l’école, pour une fille était considéré comme une perte de temps et d’argent.
Mais si la scolarisation des filles est de plus en plus effective, certains préjugés subsistent. Et ces préjugés sont nourris pas les rôles de genre assignés. La cuisine, le ménage, s’occuper des enfants (des plus jeunes), aller au marché, etc. Ce sont autant de tâches assignées aux filles en raison des rôles de genre qui peuvent compromettre leur maintien à l’école. La difficulté de cumuler les tâches scolaires et celles domestiques, l’impression par les parents encore réticents qu’envoyer leur fille à l’école n’est pas rentable…
Il y a aussi le plafond de verre assez épais créé par ces rôles de genre. Les débouchés des filles semblent étroits et avant même qu’elles n’évoluent assez dans leur cursus, il leur est demandé d’étouffer leurs ambitions. Elles sont éduquées pour le mariage (dans lequel la soumission et une maîtrise des travaux ménagers) semblent obligatoires.
Maladies sexuellement transmissibles : cas du VIH SIDA
Les filles courent également le risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH du SIDA. Méconnaissance des risques, tabous sur l’éducation sexuelle, exploitation sexuelle liée à la chosification de leur corps (une autre conséquence des rôles genrés), etc. sont des facteurs qui favorisent la prise de certains risques.
Pourquoi est-il important de maintenir les filles à l’école ?
Le droit à l’éducation
La première raison qui me vient à l’esprit quand je veux expliquer ce pourquoi il est important de permettre aux filles d’aller à l’école mais d’y rester et de finir leur cursus, au moins jusqu’au baccalauréat est le fait que c’est un droit. Le droit à l’éducation des filles ne s’arrête pas uniquement au volet fouler les pieds d’une salle de classe, mais pouvoir évoluer, dans des conditions saines que leur statut de fille ne devrait compromettre. Lutter contre les grossesses précoces, les maladies sexuellement transmissibles, le harcèlement scolaire c’est contribuer à ce que ce droit soit respecté, sans compromis.
Pour leur autonomisation
L’autonomisation des filles et des femmes est un enjeu étatique et de développement, alors comprenez qu’il est important de mettre en place des mécanismes qui vont permettre aux filles d’être maintenues à l’école. Nous évoluons dans un contexte où, si aller à l’école ne garantit pas l’autonomisation d’un coup, cela reste un atout de taille. Être alphabétisée ne suffit plus pour pouvoir embrasser certains domaines et avoir accès à un nombre non négligeable d’opportunités économiques. Il faut avoir eu un certain niveau d’instruction, et éventuellement le Baccalauréat pour pouvoir prétendre à y avoir accès. Et pour atteindre ce niveau, il faut avoir été maintenue à l’école.
Pour une société plus égalitaire
Le maintien des filles à l’école a le potentiel de rééquilibrer certaines balances, notamment celles liées à l’accès à l’éducation des filles. Cela pourrait permettre également de briser le plafond de verre qui semble les limiter dans cet accès, et ouvrir la voie pour que les générations futures de filles aient accès à une éducation de qualité, que leur sexe et/ou leur genre compromettrait moins. Cela permettra de construire une société plus juste en termes d’accès aux opportunités, en termes de représentation, et lui permettrait de se développer.
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